T'as pas tout lu, 1ers articles:

1 Awopbopaloobop alopbamboum par Nik Cohn, "Keep a knockin' " par Milton Brown et Little Richard, "Rock'n'roll" par Led Zeppelin - 2 Mystery train par Greil Marcus, "Blue Christmas/ One night" par Elvis + extrait du show TV - 3 Jolie Blon's bounce par James Lee Burke + clic vers "Cherokee" de Charlie Burnett - "Jolie Blon" par Doug Kershaw, the Spotnicks, Waylon Jennings, C. Newman + lien vers Doug Kershaw "Sweet jole blon" - 4 Chronique de Rock'n'Folk par Nicolas Ungemuth + lien vers Oscar Toney Jr "For your precious love", "Stay with me" par Loraine Ellison et Terry Reid - 5 Héros oubliés du rock'n'roll par Nick Toshes, "This side up/ Jack the bellboy" par Nat King Cole - 6 Notes de Pochette de "Coat of many colors" de Dolly Parton + 2 extraits vidéo '74 et '79, diapo en live puis en studio et par Emmylou Harris, Shanya Twain, Alison Krauss & Union Station

Extraits de "Awopbopaloobop alopbamboom" de Nik Cohn, 1969, Allia, 10/18

"Ces premières années furent très probablement les meilleures que la pop ait traversées. L'anarchie s'est installée. Pendant trente ans, il avait été impossible de faire son trou si on n'était pas blanc, lisse, bien élevé et bidon jusqu'à la moelle - et voilà que tout à coup on pouvait être noir, rose idiot, délinquant, taré ou trimballer toutes les maladies de la terre et ramasser quand même le paquet. Il suffisait de se pointer et de savoir provoquer le frisson. (...)
Little Richard Penniman était beau. Il portait un costume large et un pantalon très évasé en bas - jusqu'à soixante-cinq centimètre de large en bas - et il avait les cheveux ramené en une gigantesque banane qui lui ruisselait devant les yeux comme une fontaine. Et une petite moustache genre filet d'anchois et un visage rond complètement extasié.
Il jouait du piano presque sur les genoux, martelant des deux mains comme s'il voulait briser l'instrument. Dans les moments cruciaux, il levait une jambe, la reposait sur le clavier et frappait violemment les touches de son talon tandis que les bords de son pantalon ondulaient comme des cerfs-volants. Il hurlait, hurlait et hurlait. D'une voix monstrueuse, infatigable, hystérique, absolument indestructible. Jamais de sa vie il n'est descendu au-dessous du registre d'un taureau enragé mugissant. Il agrémentait chaque phrase de couinements, de râles, de hurlements de sirènes. Son endurance et son énergie ne connaissaient pas de limites et il interprétait ses chansons - des non-chansons pour la plupart, composées d'une musique primaire et de paroles niveau jardin d'enfant - comme si chaque syllabe était de l'or liquide. (...) Ces disques sonnaient tous à peu près pareil: pas de mélodie, pas de paroles - pré-néanderthaliens. Il y avait un solo de sax ténor quelque part au milieu et un piano constamment maltraité, plus Little Richard lui-même qui hurlait à la mort. Séparément, chacun de ces disques n'allait pas très loin - c'était de courts extraits d'un hurlement sans fin -, ce n'est qu'ensemble qu'ils prenaient sens."

"Keep a knockin'" & "Rock'n'roll" par Milton Brown, Mr Little Richard & Led Zeppelin

Extraits de "Mystery Train", Greil Marcus, 1975, Allia. Elvis presley "Blue christmas / One night"

"Ce fut un moment renversant. Le colonel Parker voulait vingt chansons de Noël et un costume, le producteur un show dur, rapide et sexy. Et tout le monde regardait. Elvis mettait tout en jeu, risquant son confort et son aisance pour une chance de repartir à zéro. Ca faisait longtemps qu'il n'était plus qu'une mauvaise plaisanterie. (...)
Assis sur scène, vêtu de cuir noir, entouré d'un petit groupe mordant, alors qu'on entendait la foule bourdonner, il chanta, parla et plaisanta et toutes les rancoeurs qu'il avait cachées pendant des années commencèrent à se déverser. Il avait toujours dit oui, mais cette fois il disait non - non sans humour, mais avec un peu de culpabilité désabusée, comme s'il avait trahi son talent et lui même. (...) "Je voudrais jouer ma chanson de Noël préférée", dit Elvis d'une voix traînante. un rythme and blues de facture classique, très régulier, plein de tension contenue. Il le chante d'une voix de gorge basse, faisant claquer les cordes de sa guitare jusqu'à ce qu'un de ses comparses lui crie: "Joue-le plus sexe! Joue-le plus sexe!" (...) "J'crois que je vais mettre une sangle à ma guitare et me lever. Ahahahahahahahahaha!" Mon Dieu, qu'est-ce que c'est que ça? Le rire nerveux d'un ami. Lent et sûr de lui, toujours occupé à chercher du regard la sangle que personne n'a pris la peine d'accrocher à sa guitare. Elvis entame le rock de "One Night". La version originale de Smiley Lewis parlait d'une orgie, "One night of sin": "The things I did and I saw, would make the earth stand still". Elvis l'avait édulcorée en histoire d'amour en 1958. Mais il a oublié - ou bien il se souvient. C'est la version de Lewis qu'il chante ce soir, comme il a probablement toujours voulu le faire. Il est sorti de son rôle, et tandis qu'il rit, qu'il sourit, quelque chose est en train de se passer. "
... The things I did and I saw, could make... these dreams - Where's the strap?" Où est la sangle, c'est le cas de le dire. Il passe d'une version à l'autre et tout d'un coup le groupe se met à pilonner sévèrement. Elvis charge et avale la chanson toute crue. personne ne l'a jamais entendu chanter comme ça. Hurlant, criant, grognant, poussant des gémissements lascifs, Elvis finit par se lever et la foule avec lui, non plus pour tenter de ressusciter le passé qu'on les avait emmenés rejouer dans le studio, mais en réponse à quelque chose de complètement nouveau."

Ouïr le bellâtre "vivant...

Extrait de "Jolie blon's bounce", James Lee Burke, Rivages 2006

"Au milieu des chênes verts et de cette foule enjouée, des parfums de boudin et de crevettes bouillies, d'okra et de tartes aux noix de pécan, dans l'odeur de la bière débordant des gobelets servis au tonneau, Tee bobby Hulin installa une estrade improvisée avec son groupe, brancha sa guitare électrique dans l'ampli et attaqua une version personnelle de "Jolie blon' " que je n'avais jamais encore entendue.
Elle ressemblait à l'enregistrement de "Cherokee" par Charlie Barnet en 1939, un moment de musique parfaite vraisemblablement improvisée, sans origine particulière ni intention préalable, un grondement profond de saxophones, une montée progressive des percussions en arrière plan, mélodie et contrepoint pareil à un assemblage à languette avec, au coeur de l'ensemble, un artiste novateur qui s'offrait de longues chevauchées sur un thème musical créé de toutes pièces et reconstruit à l'envi à l'intérieur de sa tête sans jamais bousculer la complexité des harmonies à l'oeuvre autour de lui."

Ouïr Charlie Burnet "Cherokee"

Ouïr: "Jolie blon' " par Doug Kershaw, the Spotnicks, Waylon Jennings & Jimmy C.Newman

Rock'n'Folk, n° 495, par Nicolas Ungemuth

"... l'insurpassable "Stay with me", sans doute la plus belle composition de Ragovoy, dans une version électrique avec orchestre de 46 musiciens (initialement réservé pour Sinatra, qui a préféré annuler) par la divine Lorraine Ellison (...) on atteint quelque chose de mystique. Une expérience comme on n'en recense pas dix par siècle. A vrai dire, même en fouillant avec attention, on n'arrive même pas à trouver un truc vaguement équivalent... "Your precious love" par Oscar Toney Junior, peut-être? "Piece of my heart" par Erma Franklin (d'ailleurs co-composée par Ragovoy avec Bert Berns)? "The Dark End Of The Street" par James Carr? Même pas. Et même la Dusty, qui a repris ce morceau stupéfiant peut - pour une fois - aller se brosser... "Stay with me" par Lorraine Ellison, c'est, pour reprendre un cliché, la Pierre de Rosette. La vraie, l'unique. C'est, pour reprendre Doc pomus et mort Shuman, l'un de ces très rares "moments magiques". Un zénith. Un rêve de perfection. C'est simplement le plus grand morceau soul de tous les temps. Ceux qui vont l'entendre pour la première fois sont à envier: ils devraient songer à capturer le moment afin de ne jamais oublier l'épiphanie qui leur aura été offerte par Jerry Ragovoy, tout simplement parce qu'un jour, Ol' Blue Eyes, sans doute victime d'une gueule de bois en chêne massif, a annulé une séance, et qu'il fallait bien utiliser les quarante-six musiciens convoqués au risque de se fâcher avec l'Union des Musiciens... Et puis aussi, il faut bien le dire, parce qu'une femme nommée Lorraine Ellison a eu, ce matin-là, une vision digne de Bernadette Soubirous."

"Stay with me" par Loraine Ellison & Terry Reid

Extraits de "Héros oubliés du rock'n'roll" Nick Toshes 1984, Allia 2000.

"Le nom de Nat King Cole est inscrit en grosses lettres dans les annales de la musique populaire. Mais la plupart de ceux qui le connaissent ne l'associent qu'au genre de ballade romantique sophistiquée qui a fait la célébrité et la fortune de Cole; la musique qu'il jouait avant de devenir une institution a été injustement ignorée et oubliée. Pendant plusieurs années, avant que l'industrie des variétés ne l'avale, Nat Cole avait réussi à créer le son à partir duquel la musique populaire s'est construite par la suite. Il ne s'est pas contenté d'électrifier le blues; il l'a transformé. En s'inspirant du jazz, il a adapté le blues à son époque et à son milieu. Tout en possédant la sagesse ineffable et morose du vieux blues, la musique de Cole incorporait aussi la sophistication et la débrouillardise urbaine qui avaient éclos le long des rues de New York et de Los Angeles au début des années quarante. Plein de sous-entendus, subtil, jamais simple ni mièvre, le son de la petite formation de Cole devint le standard du style cool ("frais"). Il a été la principale influence de pianistes-chanteurs plus jeunes et plus sauvages que lui - Amos Milburn, Charles Brown, Cecil Grant, Ray Charles - qui ont pris la tête de la première grande vague du rock'n'roll de la côte ouest au milieu des années quarante. En donnant au blues de l'urbanité, de la classe, et surtout en le rendant plus accessible, Cole a servi d'intermédiaire entre l'ancien et le nouveau, entre la salopette et les falzards en peau de requin."

Ouïr: Nat King Cole Trio: "This side up / Jack the bellboy (with Lionel Hampton)"

Extrait des notes de pochette de "Coat of many colors" Dolly Parton 1971

"Once upon a childhood memory, I laid at Mama's feet by the old pedal sewing machine that Mama sewed on so often. This particular time Mama was making me a little coat to wear to school the next day.
Mama was always singing songs to us and telling Bible stories and as Mama sewed my little coat of green, blue, red and yellow corduroy, she told me the story of Joseph and the Coat of many colors from the Bible. I would always cry when Mama told the part about how the brothers of Joseph betrayed him and sold him to Egypt. The story had always been my favorite from the Bible and the coat that Mama was making for me just made me love the story more.
The coat that Mama was making was not only to keep me warm but also to give me something pretty to have my picture made at school the next day. This was to be the first time I had ever had my picture made to my knowledge and I was so excited about it and my coat as well.
But as my story goes when I got to school the next day the other children laughed at my coat and I couldn't understand why because to me it was beautiful. It hurt me deeply and being sensitive like I've always been. I cried but I was so proud of my coat and the thought of having my picture for Mama that I smiled through my tears and the tears are plain in the picture and so is the smile. This picture is one I cherish above all others because it holds a precious memory of my mama, a mama that loved and raised truthful children with the help of God and a daddy with a strong hand and a gentle heart.
I have many memories of my childhood but none that touches me more deeply than my memory of my Coat of Many Colors that my mama made for me."

Dolly Parton - Emmylou Harris - Shanya Twain, Alison Krauss & Union Station

Ouïr: Dolly Parton Live "Coat of many colors"